Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce sujet par son anxiété croissante relativement à Cesarini, dont la retraite et le sort restaient toujours ensevelis dans un mystère alarmant.

Il arriva sur ces entrefaites que lord Doltimore, qui avait toujours eu du goût pour les antiquités, et qui était fort mécontent de son château héréditaire parce qu’il était confortable et moderne, prit par désœuvrement l’habitude, assez généralement répandue à Paris, d’acheter des curiosités, des bahuts, des chaises antiques, des meubles en chêne sculpté ; et avec cette habitude lui revint le désir d’acquérir Burleigh. Apprenant par Lumley que Maltravers avait, selon toute probabilité, quitté son pays natal à tout jamais, il s’imagina que ce dernier consentirait maintenant probablement à vendre Burleigh, et il pria Vargrave de lui faire parvenir une lettre à cet effet.

Vargrave s’excusa, car il sentit qu’il ne pouvait rien y avoir de plus indélicat qu’une pareille demande, transmise, par lui, dans un pareil moment. Doltimore, qui avait par hasard entendu dire à Montaigue qu’il connaissait l’adresse de Maltravers, envoya tout bonnement sa lettre au Français, et, sans en mentionner le contenu, il le pria de la faire parvenir à destination ; Ce que fit Montaigne. Or il est singulier combien les petits hommes et les petits incidents influent sur les grands événements de la Vie. Ce fut grâce à cette simple lettre que s’opéra une nouvelle révolution dans l’étrange existence de Maltravers.


CHAPITRE II

Quid frustra simulacra fugacia captas ?

Quod petis est nusquam.

(Ovide. — Met. III, 232.)

L’infortuné Maltravers n’alla pas ensevelir ses angoisses Sous un climat consacré aux douleurs majestueuses ou à la douce mélancolie des regrets ; il ne chercha pas les glaciers ou les lacs bleus de la belle Suisse, ni la terre plus richement parée, le ciel plus clément de la séduisante Italie. Une fois, dans ses voyages, il avait passé à travers une contrée plongée