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comme ma chère grand’maman nous accompagne, je suis sûre qu’elle aura bien vite fait de la mettre à son aise.

— Que c’est singulier ! dit mistress Merton ; nous disions justement la même chose. Ma chère miss Cameron, nous serions charmées de vous posséder.

— Et moi je serais si contente d’aller chez vous, si maman voulait seulement y venir aussi. »

Tandis qu’elle parlait, la lune, qui venait de se lever, laissa apercevoir lady Vargrave, s’approchant lentement de la maison. À cette lumière, ses traits paraissaient encore plus pâles que de coutume ; et avec sa taille frêle et délicate, sa démarche lente, et son pas silencieux qui paraissait glisser sur le sol, elle avait quelque chose d’éthéré, quelque chose qui n’appartenait pas à la terre.

Éveline se retourna, la vit, et son cœur se serra. Sa mère ! sa mère si inséparablement liée au cher cottage ! qu’avait donc fait cette brillante étrangère pour lui rendre à elle-même ce bien-aimé séjour moins attrayant, lorsqu’elle avait déclaré tant de fois qu’elle ne demandait qu’à vivre et mourir dans son humble enceinte ? Elle quitta brusquement sa nouvelle amie, s’élança au-devant de sa mère, et jeta affectueusement ses bras autour d’elle.

« Vous êtes pâle, vous vous êtes trop fatiguée. Où avez-vous été ? Pourquoi ne m’avez-vous pas emmenée ? »

Lady Vargrave pressa tendrement la main d’Éveline.

« Vous vous préoccupez trop de moi, dit-elle. Je ne suis qu’une maussade société pour vous, j’étais contente de vous voir heureuse avec une compagne qui convenait mieux à la gaîté de votre âge. Que deviendrons-nous quand elle nous quittera ?

— Ah ! je n’ai pas besoin d’autre société que celle de ma mère bien-aimée. D’ailleurs n’ai-je pas Sultan aussi ? » ajouta Éveline, et un radieux sourire chassa les larmes qui s’amoncelaient dans ses yeux.