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« Ne trouvez-vous pas qu’Éveline est une charmante fille ? Et comme elle paraît ignorer qu’elle est belle ! Elle a tant de simplicité, et pourtant elle est si bien douée !

— Je n’ai jamais vu personne qui m’intéressât davantage, dit mistress Merton, en rabattant sa pélerine ; elle est extrêmement jolie.

— Je suis bien tourmentée à son sujet, reprit mistress Leslie, d’un air pensif. Vous savez que le désir de feu lord Vargrave était qu’elle épousât son neveu, le lord actuel, lorsqu’elle atteindrait ses dix-huit ans. Elle les aura dans neuf ou dix mois ; elle ne connaît pas du tout le monde ; elle n’est pas en état de prendre une décision. Lady Vargrave, quoique la meilleure des femmes, est elle-même trop inexpérimentée pour servir de guide à une personne aussi jeune, placée dans une position aussi exceptionnelle, avec un avenir aussi brillant. Lady Vargrave, au fond du cœur, est encore une enfant, et elle le sera toujours, même quand elle aura mon âge.

— C’est très-vrai, dit mistress Merton. Ne craignez-vous pas que ces demoiselles ne s’enrhument ? La rosée tombe, et le gazon doit être mouillé.

— J’ai pensé, continua mistress Leslie, sans faire attention à la dernière partie du discours de mistress Merton, j’ai pensé que vous feriez une bonne action, si vous invitiez Éveline à passer quelques mois avec vous au presbytère. Assurément cela ne remplacera pas Londres ; mais elle y verrait beaucoup de monde. Vous recevez une société très choisie, et quelquefois même brillante. Elle rencontrera chez vous beaucoup de jeunes personnes de son âge, et les jeunes personnes se forment au contact les unes des autres.

— J’avais déjà pensé qu’il me serait agréable de l’inviter, dit mistress Merton ; je consulterai Caroline.

— Caroline sera enchantée, j’en suis sûre ; c’est plutôt du côté d’Éveline que viendra la difficulté.

— Vous m’étonnez ! Elle doit s’ennuyer à périr ici

— Mais voudra-t-elle quitter sa mère ?

— Oh ! Caroline me quitte souvent, moi, dit mistress Merton. »

Mistress Leslie se tut, et en ce moment Éveline et sa nouvelle amie arrivèrent près de la mère et de la fille.

« J’essayais de décider Éveline à nous faire une petite visite, dit Caroline, ce serait pour nous une société si agréable ! Et si elle se sent encore un peu gênée avec nous,