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conserver, en dépit des années, la poésie de leur premier rêve d’amour, et faire du mariage le sceau qui confirme l’affection, et non le cérémonial moqueur qui en consacre vainement la tombe ! »

Maltravers, quelques jours après son retour à Paris, avait écrit officiellement à Lumley, ainsi que nous l’avons vu. Il aurait également écrit à lady Vargrave, mais Éveline pensa qu’il était préférable qu’elle préparât elle-même sa mère par une lettre.

Il ne s’en fallait plus que de quelques semaines que miss Cameron n’atteignît l’âge de dix-huit ans, l’âge où elle devait être seule maîtresse de son sort. Le mariage devait avoir lieu aussitôt après. Valérie apprit avec un plaisir vrai les liens qu’allait contracter son ami. Elle rechercha avec empressement toutes les occasions de connaître plus intimement Éveline, qui fut complètement séduite par la gracieuse amabilité de Mme de Ventadour. Voici quel fut le résultat des observations de Valérie : Elle ne s’étonna pas que Maltravers ressentît un amour si passionné ; mais sa profonde connaissance du cœur humain (connaissance que les femmes de son pays possèdent à un degré si remarquable) la fit douter de la complète réciprocité de cet amour ; elle craignit qu’Éveline ne se fît illusion à elle-même. Le premier contentement qu’elle avait éprouvé se mêla d’inquiétude, et elle compta plus pour le bonheur futur de son ami, sur la pureté d’âme d’Éveline, et sur sa tendresse générale de cœur, que sur la concentration exclusive et l’ardeur de son amour. Hélas ! il est peu de personnes qui à dix-huit ans ne soient pas trop jeunes pour prendre cet irrévocable parti ; et Éveline était plus jeune que son âge !

Un soir, chez Mme de Ventadour, Maltravers demanda à Éveline si elle n’avait pas encore reçu de réponse de sa mère ; Éveline lui exprima sa surprise de n’en point recevoir, et la conversation tomba, tout naturellement, sur lady Vargrave.

« Aime-t-elle autant la musique que vous ? demanda Maltravers.

— Oui, vraiment, je le crois ; et les romances d’une certaine personne en particulier ; elles ont toujours eu un charme indescriptible pour elle. Je lui ai souvent entendu dire que lorsqu’elle lit vos écrits, il lui semble causer avec un ami de sa jeunesse. Votre nom et votre génie semblent le seul lien qui la rattache au monde. Et même (ne vous fâchez pas), je