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CHAPITRE II

Avez-vous entendu ? Quel prodige d’horreur qui se déroule !
(Lillo. — La curiosité funeste.)

Le malheureux compagnon de fuite de Cesarini fut bientôt retrouvé et repris ; mais toutes les recherches qu’on fit pour découvrir Cesarini lui-même restèrent sans résultat, non seulement dans le voisinage de Saint-Cloud, mais dans les campagnes environnantes, et dans Paris. La seule consolation qu’on eût était de penser que, grâce à sa montre, il serait, pendant quelque temps au moins, à l’abri des horreurs du besoin, et que la vente de ce bijou pourrait servir peut-être à mettre ses amis sur sa trace. On mit aussi la police à l’œuvre, la vigilante police de Paris ! Pourtant les jours se suivaient sans apporter de nouvelles. Le secret de cette fuite était soigneusement gardé devant Teresa ; et les soucis politiques paraissaient expliquer assez la tristesse qui régnait sur le front de Montaigne.

Éveline apprit de Maltravers, avec des émotions mêlées de compassion, de chagrin et d’effroi, le sombre récit qui se rattachait à l’histoire du fou. Elle versa des larmes sur le triste destin de Florence ; la malédiction qui s’était appesantie sur Cesarini la fit frémir ; et peut-être Maltravers lui devint-il plus cher par la pensée qu’il y avait tant à consoler et à calmer dans la mémoire de son passé.

Ils revinrent à Paris fiancés l’un à l’autre ; et dès lors Éveline s’efforça soigneusement et résolûment de bannir de son cœur tout souvenir, tout regret éveillé par Legard absent. Elle sentait la solennité de la foi placée en elle, et elle résolut qu’aucune de ses pensées ne serait jamais de nature à froisser l’âme tendre et généreuse qui lui avait confié le bonheur de sa vie. L’influence de Maltravers sur elle s’accrut dans leur situation nouvelle et plus familière ; et pourtant ce sentiment ressemblait toujours trop à de la vénération, trop peu à de la passion ; mais cela provenait peut-être de la jeunesse et de l’innocence d’Éveline. Dans tous les cas Maltravers ne s’en apercevait pas ; elle l’avait choisi entre