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tant aimée… oh ! je ne pourrai jamais m’y résoudre. Quand j’étais enfant, je l’aimais bien ; maintenant son nom me fait frissonner. Comment cela se fait-il ? Il est aimable, il a la condescendance de chercher à me plaire. C’était le vœu de mon pauvre père (car il a véritablement été un père à mon égard) ! et pourtant… oh ! que ne m’a-t-il laissée pauvre et libre ! »

Éveline en était là de sa méditation, lorsqu’un bruit de roues inusité se fit entendre sur le sable ; elle tressaillit, s’essuya les yeux, et descendit précipitamment pour recevoir les hôtes attendus.


CHAPITRE V

Dites-moi, ma chère Sophie, ce que vous pensez de nos nouvelles connaissances.
(Le Vicaire de Wakefield.)

Mistress Merton et sa fille étaient déjà dans le salon principal, assises de chaque côté de mistress Leslie. La première était une femme d’un extérieur simple et agréable ; sa figure était encore belle, et elle exprimait, sinon de l’intelligence, du moins une calme bienveillance, et un contentement habituel. La seconde était une belle jeune fille, aux yeux noirs, à la physionomie hardie ; elle avait ce genre de beauté qui saisit et qui fait de l’effet ; elle était grande, elle avait de l’assurance, et sa toilette, bien que simple, était à la dernière mode. Le chapeau élégant, grand de forme comme on les portait alors ; le voile en dentelle de Chantilly ; le brillant cachemire français ; les manches larges, adoptées à cette époque par une vogue barbare ; la robe de soie coûteuse, mais sans prétention ; la chaussure irréprochable ; l’habitude du monde ; les manières assurées ; le regard tranquille mais scrutateur de Caroline ; tout cela surprit, troubla, et effraya même un peu Éveline.

Miss Merton de son côté, quoique plus à son aise, fut également étonnée de la beauté et de la grâce innocente de la jeune fée qui s’offrait à ses regards ; elle se leva pour la