tant aimée… oh ! je ne pourrai jamais m’y résoudre. Quand j’étais enfant, je l’aimais bien ; maintenant son nom me fait frissonner. Comment cela se fait-il ? Il est aimable, il a la condescendance de chercher à me plaire. C’était le vœu de mon pauvre père (car il a véritablement été un père à mon égard) ! et pourtant… oh ! que ne m’a-t-il laissée pauvre et libre ! »
Éveline en était là de sa méditation, lorsqu’un bruit de roues inusité se fit entendre sur le sable ; elle tressaillit, s’essuya les yeux, et descendit précipitamment pour recevoir les hôtes attendus.
CHAPITRE V
Mistress Merton et sa fille étaient déjà dans le salon principal, assises de chaque côté de mistress Leslie. La première était une femme d’un extérieur simple et agréable ; sa figure était encore belle, et elle exprimait, sinon de l’intelligence, du moins une calme bienveillance, et un contentement habituel. La seconde était une belle jeune fille, aux yeux noirs, à la physionomie hardie ; elle avait ce genre de beauté qui saisit et qui fait de l’effet ; elle était grande, elle avait de l’assurance, et sa toilette, bien que simple, était à la dernière mode. Le chapeau élégant, grand de forme comme on les portait alors ; le voile en dentelle de Chantilly ; le brillant cachemire français ; les manches larges, adoptées à cette époque par une vogue barbare ; la robe de soie coûteuse, mais sans prétention ; la chaussure irréprochable ; l’habitude du monde ; les manières assurées ; le regard tranquille mais scrutateur de Caroline ; tout cela surprit, troubla, et effraya même un peu Éveline.
Miss Merton de son côté, quoique plus à son aise, fut également étonnée de la beauté et de la grâce innocente de la jeune fée qui s’offrait à ses regards ; elle se leva pour la