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que tôt ou tard il faudrait bien laisser M. Douce s’expliquer, se rapprocha du feu, mit les pieds sur le garde-cendres, et s’écria, en avalant un verre de Bordeaux :

« Maintenant, Douce, que puis-je faire pour vous ? »

M. Douce ouvrit ses yeux de toute leur grandeur, puis il les referma aussi rapidement, et il répéta cette opération jusqu’à ce que, les ayant mouchés assez de fois pour qu’il fût impossible de leur donner plus de clarté, il resta convaincu qu’il n’avait pas mal entendu ce qu’avait dit lord Vargrave.

« Vraiment, dit-il alors de son air le plus effaré, vraiment je… je… En vérité, mylord est trop bon… Je… je… je… voulais vous parler d’affaires.

— Eh ! bien, que puis-je pour vous ? Vous aviez quelque petit service à me demander ? Voyons, une bonne sinécure pour un commis que vous affectionnez ? ou bien une place au Timbre pour votre gros laquais, John ; c’est, je crois, le nom que vous lui donnez ? Vous savez, mon cher Douce, que vous pouvez disposez de moi.

— Ah ! vraiment… vous êtes plein de bon… bon… bontés, mais… mais… »

Vargrave se rejeta en arrière, ferma les yeux, contracta ses lèvres, et laissa résolument M. Douce s’expliquer sans interruption. Il se sentit considérablement soulagé en apprenant que l’affaire dont il s’agissait était relative à miss Cameron. M. Douce, après avoir rappelé à lord Vargrave, ainsi qu’il l’avait déjà fait bien souvent, le désir de son oncle que la plus grande partie de l’argent qu’il avait légué à Éveline fût placé en terres, lui annonça qu’il se présentait une excellente occasion de faire une acquisition qui aurait certainement réjoui le cœur du feu lord. Un superbe domaine, dans le genre de Blickling, un parc de six milles de tour, rempli de daims, dix mille arpents de terre, d’un revenu net de huit mille livres sterling[1] : prix d’achat deux-cent-quarante mille livres[2]. La propriété entière était beaucoup plus grande ; elle avait dix-huit mille arpents ; mais on pourrait vendre les fermes les plus éloignées par lots séparés, afin de ne pas dépasser le chiffre juste que les tuteurs de miss Camerom pouvaient consacrer à cet achat.

« Bon ! dit Vargrave ; et où cela se trouve-t-il ? Mon pauvre

  1. 200,000 francs.
  2. Six millions.