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affectueux ne se lassait jamais de lui prodiguer des soins, il reprit quelques-unes de ses anciennes occupations. Il parut trouver quelque plaisir dans des études sans suite et sans profit, et dans le culte de cette consolatrice des hommes solitaires, la muse ingrate ! En évitant avec soin de parler de tout ce qui avait rapport à la triste origine de son infortune, et en l’entretenant plutôt des doux souvenirs de son enfance et de l’Italie, sa sœur put adoucir ses heures de sombre tristesse, et conserver quelque influence sur ce malheureux. Un jour cependant il tomba entre ses mains un journal anglais rempli de l’éloge de lord Vargrave ; et l’article en question, dans les éloges prodigués au noble pair, rappelait ses services lorsqu’il était à la chambre des Communes sous le nom de Lumley Ferrers.

Cet incident, tout insignifiant qu’il semblât, produisit sur Césarini un effet visible, mais parfaitement incompréhensible pour ses parents ; trois jours après il tenta de se suicider. Cette tentative échoua et fut suivie des plus terribles accès de démence. Son mal lui revint dans toute son épouvantable violence. Il devint nécessaire de le soumettre à une surveillance plus étroite encore qu’auparavant. Puis, une année environ avant l’époque dont nous parlons, il avait paru se rétablir de nouveau, et on l’avait rappelé dans la maison de Montaigne. Les parents de Césarini ignoraient l’influence que le nom de lord Vargrave exerçait sur lui ; dans le triste récit que leur avait fait Maltravers, ce nom n’avait pas été mentionné. S’il avait pendant un moment vaguement soupçonné Lumley d’avoir usé de perfidie à l’égard de Florence, ce soupçon s’était depuis longtemps dissipé, faute de preuve qui le confirmât ; de sorte que, ni lui, ni par conséquent les Montaigne, n’associaient lord Vargrave au malheur dont était frappé Césarini. Or il arriva qu’un jour à dîner Montaigne lui-même, en faisant allusion à une question de politique étrangère qui s’était présentée le matin à la Chambre, dans un débat auquel il avait pris une part active, parla incidemment d’un discours de lord Vargrave sur le même sujet, qui avait fait sensation à l’étranger aussi bien qu’en Angleterre. Teresa lui demanda innocemment ce que c’était que lord Vargrave. Montaigne, qui connaissait la biographie des principaux diplomates anglais, lui répondit qu’au début de sa carrière lord Vargrave s’appelait M. Ferrers, et rappela à Teresa qu’il leur avait été jadis présenté à Paris. Césarini se leva brusquement et quitta l’appartement ; on n’y fit