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fussent encore visibles, fit un mouvement pour se retirer, et Aubrey qui se doutait de ce qui se passait en elle, lui dit :

« Irai-je rejoindre votre mère, et lui annoncer mon prochain départ ? peut-être, en attendant, serez-vous bien aise d’aller visiter notre pauvre protégée, dans le village. La mère Newman désire beaucoup vous voir ; nous irons vous y retrouver bientôt. »

Éveline le remercia par un sourire, envoya un baiser à sa mère, avec une apparente gaîté, traversa le jardin du preslbytère, et se dirigea vers le petit village. Aubrey rejoignit lady Vargrave, et lui offrit le bras.

Cependant Éveline pensive poursuivait son chemin : elle avait le cœur gros, et elle s’adressait des reproches. Sa mère avait donc éprouvé des chagrins, et sa réserve n’avait peut-être d’autre cause que la répugnance qu’elle ressentait à affliger son enfant. Oh ! combien, dorénavant, Éveline s’empresserait de la consoler, de la caresser, de faire oublier le passé à cette mère chérie ! Car, si le caractère de cette jeune fille avait un peu de l’impétuosité et de l’étourderie de son âge, il était noble autant que tendre ; et maintenant la curiosité avait fait place à un dévouement généreux.

Elle entra dans la chaumière de l’infirme dont lui avait parlé Aubrey. Sa douce et consolante figure était là comme un rayon de soleil ; et lady Vargrave la retrouva assise à côté de la vieille femme, le Livre des Pauvres ouvert sur ses genoux. Il était curieux d’observer l’impression différente que produisaient la mère et la fille sur les villageois. Toutes les deux étaient aimées avec un enthousiasme presque égal ; mais auprès de la première ils se sentaient plus à l’aise. Ils pouvaient lui parler plus librement ; et elle les comprenait bien plus vite. Ils n’avaient pas besoin de prendre mille détours pour lui raconter les petites misères insignifiantes qu’ils eussent été presque honteux d’avouer à Éveline. Ce qui semblait si peu de chose à la jeune et riante beauté, la mère l’écoutait avec une grave et douce patience. Quand tout allait bien, on se réjouissait de voir Éveline ; mais, dans les petites contrariétés et les petits chagrins, il n’y avait personne pour remplacer « la bonne mylady ».

Aussi dame Newman, dès qu’elle aperçut la pâle et gracieuse figure de lady Vargrave sur le seuil, poussa-t-elle une exclamation de plaisir. Maintenant elle pouvait décharger son cœur de tout ce qu’elle n’osait dire à la jeune demoi-