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dit derrière lui la voix de lord Vargrave ; le charme était rompu : un instant après Éveline était seule, la foule envahissait le salon où elle se trouvait, pour se rendre à la salle du banquet ; un bruit de rires et de voix joyeuses se faisait entendre, et lord Vargrave était à côté d’Éveline.


CHAPITRE IV

Ce voyage vous est consacré.
(Le chemin de l’amant, acte IV, sc. 1.)

Cleveland et Maltravers s’en retournaient chez eux, lors que ce dernier interrompit brusquement l’aimable babil de son ami.

« J’ai une faveur, une grande faveur à vous demander.

— Laquelle ?

— Quittons Burleigh demain ; peu m’importe à quelle heure ; nous ne ferons que deux ou trois relais si vous êtes fatigué.

— Et pourquoi donc, cher hôte ?

— C’est pour moi une torture, une angoisse inexprimable que de respirer l’air de Burleigh, s’écria Maltravers avec égarement. Ne devinez-vous pas mon secret ? L’ai-je donc si bien caché ? J’aime, j’adore Éveline Cameron, et elle est fiancée à un autre, à un autre qu’elle aime ! »

M. Cleveland resta pétrifié d’étonnement. C’est qu’en effet Maltravers avait bien caché son secret ; et son émotion était devenue si impétueuse, que le vieillard en fut frappé d’épouvante, lui qui n’avait jamais éprouvé de passion, quoiqu’il se fût parfois jadis permis un sentiment. Il s’efforçait de consoler, de réconforter ; mais, après le premier élan de sa douleur, Maltravers reprit bientôt son empire sur lui même, et dit avec douceur :

« Ne revenons jamais sur ce sujet. Il est de mon devoir de vaincre cette folle passion, et je la vaincrai. Maintenant que vous connaissez ma faiblesse, vous la traiterez avec indulgence. Ma guérison ne peut commencer que du jour où je ne verrai plus de mes fenêtres le toit qui abrite la fiancée d’un autre.