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— Savez-vous ce qu’était sa mère ? Je ne puis réussir à le découvrir.

— Mais rien d’extraordinaire. Vous savez que feu lord Vargrave était un homme de basse naissance. Je crois que lady Vargrave était une veuve de son rang. Elle vit dans une retraite absolue.

— Comment vous portez-vous, monsieur Maltravers ? Je suis bien charmée de vous voir, dit la voix aiguë de mistress Hare. Voici un bien beau bal. Personne ne fait les choses comme lord Raby. Ne dansez-vous pas ?

— Non, madame.

— Oh ! vous autres jeunes gens d’à-présent, vous êtes devenus si fiers ! (Mistress Hare, en soulignant le mot jeune, croyait avoir tourné un fort joli compliment ; et satisfaite d’elle-même, elle continua à jaser avec volubilité.) J’entends dire que vous allez louer Burleigh à lord Doltimore ; est-ce vrai ? Non ! Mais vraiment que de mensonges on fait ! C’est un homme bien élégant que lord Doltimore ; est-il vrai que miss Caroline soit sur le point de l’épouser ? C’est un fort beau parti ! Ce n’est pas médire, j’espère ; mais vous m’excuserez, n’est-ce pas ? Deux mariages sur le tapis ; cela fera sensation dans notre ennuyeux comté. Lady Vargrave et lady Doltimore, deux nouvelles pairesses. Quelle est la plus jolie selon vous ? Miss Merton est plus grande ; mais elle a quelque chose de farouche dans les yeux. Qu’en pensez-vous ? À propos, je devrais vous féliciter ; vous excuserez cela de ma part.

— Me féliciter, madame !

— Oh ! vous êtes si discret. M. Hare dit qu’il vous appuiera. Vous aurez toutes les dames pour vous. Mais vraiment, voilà lord Vargrave qui va danser. Quel âge pensez-vous qu’il ait ? »

Maltravers articula un bah ! fort intelligible, et s’éloigna ; mais il n’avait pas encore achevé sa pénitence. Lord Vargrave, bien qu’il détestât la danse, crut qu’il était politique d’inviter Éveline ; et Éveline de son côté ne put refuser.

La foule se pressa autour des danseurs, et Maltravers dut subir de nouvelles exclamations sur la beauté d’Éveline et le bonheur de Vargrave. Il s’éloigna avec impatience, en proie à ce mal qui ronge le cœur et que les jaloux seuls connaissent. Il brûlait de s’en aller, et pourtant il n’osait. Il ne devait plus revoir Éveline de bien des années peut-être ;