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munes complétaient l’ameublement, avec deux ou trois cents volumes, rangés en ordre sur des rayons qui garnissaient les murailles, propres et lambrissées. Ce parloir était contigu à une autre pièce, à laquelle on montait par deux marches ; celle-ci était plus petite, mais plus luxueuse ; elle n’était habitée que les jours de fête, quand lady Vargrave, ou quelque autre paisible habitant du voisinage, venait prendre le thé chez le bon pasteur.

Le personnel domestique de l’humble ministre se composait d’une vieille femme de charge et de son petit-fils, jeune homme d’environ vingt-deux ans, à qui on confiait le soin de cultiver le jardin, de traire la vache, en un mot de faire tout ce qu’on lui demandait.

Cette digression nous a entraînés loin de M. Aubrey.

Le prêtre était donc assis, par une belle matinée d’été, sur le banc à gauche du porche, abrité des rayons du soleil par les branches épaisses d’un châtaignier, dont les larges rameaux ombrageaient la moitié de la petite pelouse qui séparait la maison des domaines silencieux de la mort et de l’éternelle espérance. Au-dessous d’une palissade ébréchée et envahie par la mousse, s’élevait le clocher du village ; à travers les arbres on apercevait, au-delà du cimetière, les murailles blanches du cottage de lady Vargrave, et plus loin, à l’horizon, quelques voiles sillonnaient les « vagues toujours agitées du majestueux océan ». Le vieillard jouissait paisiblement de la beauté de cette riante matinée, de la fraîcheur de l’air, de la chaleur des rayons vacillants, et peut-être plus encore des sereines pensées qui occupaient son esprit : fruits spontanés d’une âme contemplative et d’une conscience sans trouble. Il était à l’âge où l’on savoure avec le plus de volupté le simple sentiment de l’existence ; où l’aspect de la nature, et une conviction passive de la bonté de notre Père Tout-Puissant, suffisent à donner un bonheur ineffable et paisible, qu’on ne possède guère que lorsque le feu des passions s’est éteint, lorsque les souvenirs, plus vivants peut-être que naguère, se confondent dans les nuances adoucies du passé, et que la foi a poli leurs contours en émoussant leurs aspérités, lorsqu’il n’y a plus rien au-dedans qui puisse jeter de l’ombre sur les choses du dehors. À mesure que nous approchons du terme de la vie, les anges sont plus près de nous qu’auparavant. Il y a une vieillesse qui a plus de jeunesse de cœur que la jeunesse elle-même !