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CHAPITRE III

Mais viens, ô déesse belle et libre, qui portes dans le ciel le nom d’Euphrosine !

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Viens entendre les premiers chants de l’alouette qui rompt du bruit de ses ailes le silence de la nuit.

(L’Allegro. — Milton.)
Mais viens, ô déesse sage et sainte, viens, divine mélancolie !

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Là, dans l’extase d’une sainte passion, oublie tout, et change-toi en marbre.

(Il Penseroso. — Le même.)

L’aube d’un premier jour de printemps ! Quelles idées de fraîcheur et d’espérance sont éveillées par ces seuls mots ! Éveline, aussi rayonnante de fraîcheur et d’espérance que l’aube elle-même, courait sur la pelouse, peu de temps après le lever du soleil, d’un pas aussi joyeux que Son cœur sans souci. Seule !… seule ! pas d’institutrice au nez pincé, à la voix aigre, pour réprimer ses gracieux mouvements et lui enseigner comment doivent marcher les jeunes demoiselles. L’aurore montait silencieusement sur la terre. On eût dit que le jour et le monde appartenaient tout entiers à la jeunesse. Les volets du cottage étaient encore fermés ; Éveline leva les yeux vers les fenêtres pour s’assurer que sa mère, qui était matinale aussi, n’était pas encore levée. Elle s’élança donc, tout en chantant de joie, pour chercher un camarade, c’est-à-dire pour lâcher Sultan. Quelques minutes après, tous deux folâtraient sur l’herbe, et descendaient les marches grossières, taillées dans la falaise, et conduisant à la plage de sable uni. Éveline n’était encore qu’une enfant par le cœur, quoiqu’elle fût quelque chose de plus qu’une enfant par l’esprit. Dans la majesté de cet océan profond, sonore et mystérieux, dans ce silence interrompu seulement par le murmure des vagues, dans cette solitude qu’animaient seules quelques barques de pêcheurs, elle