Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travers avait été peut-être plus vivement ému encore par la sympathie prompte et ingénue qu’Éveline avait témoignée à la blessée ; sa première impulsion aimable et féminine avait été évidemment de s’empresser auprès de l’humble étrangère. Elle en avait presque oublié la présence même de Maltravers ; et tandis que la jeune Éveline se penchait avec une compassion pleine de grâce au-dessus de la pauvre femme pâle et inanimée, Maltravers pensait qu’il ne l’avait jamais vue si jolie, si séduisante ; en effet, la pitié est une grande enchanteresse pour embellir une femme.

Lorsque Maltravers eut fini son récit succinct, les yeux d’Éveline étaient fixés sur lui avec une expression d’approbation si franche et pourtant si suave, que ce regard lui alla droit au cœur. Il détourna vivement son visage, et changea brusquement de conversation.

« Mais depuis quand êtes-vous ici, miss Cameron, vous et votre société ?

— Nous sommes encore des indiscrets ; mais cette fois ce n’est pas de ma faute.

— Non, dit Cleveland : par miracle, c’est la curiosité masculine, et non la curiosité féminine, qui a franchi cette fois le seuil de la chambre de Barbe-Bleue. Néanmoins, pour apaiser votre ressentiment, sachez que miss Cameron vous a amené un acquéreur. Maintenant nous allons pouvoir mettre à l’épreuve la sincérité de votre désir de vendre Burleigh. En attendant, je vous assure que cette idée a scandalisé miss Cameron, tout autant que moi. N’est-il pas vrai ?

— Mais vous n’avez pas véritablement l’intention de vendre Burleigh, n’est-ce pas ? dit Éveline d’un ton inquiet.

— J’ai peur de ne pas bien connaître moi-même mes intentions.

— Eh bien, voici venir votre tentateur, dit Cleveland. Lord Doltimore, permettez-moi de vous présenter M. Maltravers. »

Lord Doltimore s’inclina.

« Je viens d’admirer vos chevaux, monsieur Maltravers. Je n’ai jamais rien vu d’aussi parfait que votre cheval noir ; pourrais-je vous demander où vous l’avez acheté ?

— On m’en a fait présent, répondit Maltravers.

— On vous en a fait présent ?

— Oui ; il m’a été donné par un homme qui ne l’eût pas vendu pour la rançon d’un roi ; un vieux chef Arabe, avec