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noble cœur et d’une âme généreuse. Venez regarder ses traits ; c’est un visage fatigué, et dont on ne peut louer la beauté, mais qui a un certain cachet d’élégance et de rêverie mélancolique. »

Tout en causant de la sorte, l’aimable vieillard entraîna Éveline dans la salle d’entrée. En y arrivant par un petit corridor qui y débouchait, ils y trouvèrent, à leur grand étonnement, la vieille femme de charge et une autre servante, debout auprès d’un lit grossier, sur lequel était étendue la pauvre femme dont nous avons parlé au chapitre précédent. Maltravers s’y trouvait aussi, accompagné de deux hommes. Penché sur la blessée, qui, revenue à elle, commençait à avoir conscience et de son état douloureux, et du service qui lui était rendu, Maltravers donnait lui-même ses ordres à ses domestiques. Au moment où Éveline s’arrêta soudain, tout étonnée, en face et presque au pied de l’humble litière, la vieille femme se souleva sur un bras, et la regarda avec des yeux égarés ; puis, murmurant quelques paroles incohérentes qui semblaient être l’effet du délire, elle retomba en arrière, et perdit de nouveau connaissance.


CHAPITRE IV

Souvent pour fléchir le cœur d’une cruelle, le dieu malin revêt l’air martial, la brillante cocarde, le sabre, l’épaulette et la plume.
(Marriott.)

On avait emporté la blessée, et Maltravers était resté seul avec Cleveland et Éveline.

Il raconta simplement et brièvement l’aventure du matin ; mais il ne dit pas que Vargrave était l’auteur du coup qu’avait reçu la pauvre femme. Or, cet événement avait servi à faire une impression mutuelle et sympathique sur Éveline et Maltravers. L’humanité de ce dernier, toute naturelle et tout ordinaire qu’elle fût, laissa un souvenir affectueux à Éveline, précisément parce que c’était une preuve que sa froide théorie d’indifférence vis-à-vis de la foule n’affectait en rien sa conduite vis-à-vis des individus. De son côté Mal-