Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle aurait mieux fait de se prendre d’amour pour Legard ; ce qui finira par arriver, sans doute, de façon ou d’autre. Allons, bonsoir !


CHAPITRE II

La passion, quand elle se calme, se change en amertume ; c’est pourquoi j’ai fui les querelles de parti, les considérant comme le fléau de la vie.
(Matthew Green.)
En ces lieux, du fond des chênes creux, des nymphes rendent les obscurs oracles du destin.
(Le même.)

Vargrave déjeuna le lendemain à Burleigh, comme il en était convenu. Maltravers s’efforça d’abord de répondre à ses avances familières et cordiales par une égale urbanité. Il se reprocha d’avoir nourri des soupçons mal fondés ; il lutta contre des sentiments qu’il ne pouvait ou qu’il ne voulait pas analyser, mais qui lui rendaient Lumley un convive désagréable, en l’associant à des impressions pénibles, tant dans le passé que dans le présent. Mais il y avait certains points où la perspicacité de Maltravers servait à justifier ses préventions.

La conversation, soutenue principalement par Cleveland et Vargrave, tomba sur les affaires politiques. Comme ils appartenaient à des opinions contraires, Vargrave fit un exposé de ses motifs et de ses vues. Il laissa si bien percer l’ambition toute personnelle du fonctionnaire de profession, que tout homme ayant une certaine exaltation chevaleresque dans ses idées politiques devait nécessairement en être froissé.

Maltravers écoutait avec un singulier mélange de sentiments. Tantôt il se félicitait, il se glorifiait d’avoir abandonné une carrière où de semblables opinions pouvaient si bien réussir ; tantôt des sentiments meilleurs et plus justes réveillaient chez lui l’énergie du combat si longtemps assoupie, et il lui tardait de se retrouver dans l’arène turbulente