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Tandis que Sophie parlait, Éveline se tourna à demi, comme pour entendre la réponse de Maltravers, qui paraissait hésiter :

« Il ne faut pas, dit-elle, importuner M. Maltravers de la sorte, Sophie. M. Maltravers a trop à faire pour venir nous voir. »

C’était une parole un peu aigre pour Éveline, et, tout en parlant, ses joues se colorèrent ; mais un sourire malin et provocateur errait pourtant sur ses lèvres.

« Mon absence de ces lieux ne peut être une privation que pour moi, miss Cameron, » dit Maltravers se levant, et s’efforçant en vain de résister à l’impulsion qui l’attirait vers la fenêtre. Le reproche contenu dans les paroles et le ton d’Éveline l’affligeait et l’enchantait à la fois. Et puis cette scène, cette enfant malade lui rappelaient sa première entrevue avec Éveline. Il oublia, en cet instant, l’intervalle de temps qui s’était écoulé, les nouveaux liens qu’elle avait formés, et toutes les résolutions qu’il avait prises.

« Vous nous faites là un compliment peu flatteur, répondit ingénûment Éveline ; pensez-vous que nous soyons assez indignes de votre société pour ne pas en apprécier l’avantage ? Mais peut-être, ajouta-t-elle, en baissant la voix, peut-être que nous vous avons offensé… peut-être que… je… je… vous ai… dit quelque chose de… de blessant !

— Vous ! » s’écria Maltravers tout ému.

Sophie, qui avait tout écouté fort attentivement, intervint dans la discussion.

« Donnez-lui la main, dit-elle, pour faire votre paix avec Éveline. Vous vous serez querellé avec elle, méchant Ernest ! »

Éveline se mit à rire, et rejeta en arrière les boucles dorées de sa chevelure.

« Je crois que Sophie a raison, dit-elle avec une simplicité charmante ; faisons la paix ! » Et elle tendit la main à Maltravers.

Maltravers porta cette blanche main à ses lèvres.

« Hélas ! dit-il, ému par différents sentiments qui firent trembler sa voix mâle, le seul défaut que je vous reproche, c’est que votre société me rend mécontent de mes foyers déserts : et comme la solitude doit être la destinée de ma vie, je cherche à m’y endurcir. »

En ce moment, mistress Merton fit sa rentrée au salon ; heureusement ou non, c’est au lecteur à en décider.