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Éveline fut touchée du ton, des paroles et de la physionomie attristée de Maltravers.

« Vous devriez moins que tout autre penser ainsi, dit-elle avec un aimable empressement ; vous qui avez tant fait pour réveiller et attendrir le cœur de vos semblables, vous qui… qui… elle s’arrêta court, puis elle ajouta d’un ton plus sérieux : — Ah ! monsieur Maltravers, je ne suis pas en état de discuter avec vous, mais il m’est permis d’espérer que vous réfuterez vous-même vos doctrines.

— Si votre vœu se réalisait, répondit Maltravers presque avec dureté, et une expression de profonde angoisse comprima ses lèvres, je vous devrais d’être fort malheureux. »

Il se leva subitement, et s’éloigna.

« En quoi l’ai je offensé ? pensa Éveline tout attristée ; je ne lui parle jamais sans qu’il m’arrive de le blesser. Qu’ai-je donc fait ? »

Elle aurait bien voulu, dans sa naïve bonté, le suivre pour faire la paix avec lui ; mais il se trouvait en ce moment au milieu d’un groupe d’étrangers. Bientôt après il quitta le salon, et elle ne le revit plus pendant l’espace de plusieurs semaines.


CHAPITRE VII

Nihil est aliud magnum quam multa minuta.
(Vet. Auct.)

Un évènement inquiétant vint troubler le calme courant de la vie heureuse qu’on menait au presbytère de Merton. Un matin en descendant, Éveline ne trouva pas la petite Sophie, qui avait réussi à s’arroger le privilège exclusif d’occuper un tabouret auprès de miss Cameron à déjeuner. Mistress Merton parut bientôt, la physionomie plus préoccupée que de coutume : Sophie était souffrante ; elle avait la fièvre. Depuis quelque temps la fièvre scarlatine régnait dans le voisinage ; mistress Merton était donc fort tourmentée.