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un voyage

le souci de ce qui se passe au loin. On recommençait ce que d’autres avant vous avaient fait ; les âmes se resserraient autour de quelques certitudes simples, et réchauffantes comme le poêle autour duquel l’hiver tous se pressaient. Et jusque dans les palais que, pour imiter Versailles, les princes allemands construisirent ou décorèrent au xviiie siècle, jusqu’en ces demeures, charmantes toutes, et quelquefois d’une délicieuse élégance, ce n’est pas la magnificence qui frappe, mais je ne sais quelle gentillesse familière. Ont-ils cherché la grandeur, ces princes curieux de belles maisons ? Ils ne l’ont pas trouvée, ou rarement. Lorsqu’on erre dans ces chambres peintes, sculptées, dorées, où noircissent les miroirs qui reflétaient leur joie, un peu d’attention suffit pour atteindre, à travers ce luxe emprunté, la véritable âme allemande éprise d’amusements simples, d’intimité libre ; pensive, et gaie, apte mieux qu’aucune autre à sentir et à dégager la poésie des humbles choses… L’âme d’autrefois.

L’Allemagne ancienne bâtissait pour son besoin, son plaisir. L’Allemagne nouvelle a d’autres besoins, d’autres plaisirs ; et puis, elle sait que, assis en rond, anxieux, émerveillés, tous les peuples de la terre suivent chacun de ses mouvements, et attendent que, constamment, elle se surpasse. Alors le « colossal » lui semble seul capable et de représenter ses aspirations, et de maintenir la galerie dans une stupeur admirative et frissonnante. Les constructions nouvelles de ce pays, musées, hôpitaux, gares, sont bien entendu destinées à contenir des tableaux,