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harlem

Le soleil couchant ! C’est lui, qui donne à la peinture hollandaise sa richesse et ses mystères. Rares sont les tableaux qui racontent l’aube de perle, ou les midis blancs et vides. Voyez les paysages, leurs belles longues ombres portées marquent tous l’heure somptueuse.

Les rayons obliques sont plus chauds. Ils ne dépouillent pas les couleurs comme ceux qui au milieu du jour tombent à plomb, ils ne les glacent pas d’une froide finesse comme les rayons du matin, ils leur laissent leur force, les exaltent même, en les couvrant d’or. Ils sont partout, ces rayons penchés ! Dans les intérieurs qu’ils emplissent d’une brume rousse. Dans les parcs où l’on pose pour son portrait. Ils animent les blancs d’un éclat métallique, touchent doucement un visage, laissant alentour l’ombre monter du sol ; ils passent entre les troncs d’arbres, atteignent un objet, l’enflamment. Les voici sur les régentes qu’ils arrachent de la nuit. Et en face, sur les régents, ils s’arrêtent à la tranche rouge d’un livre, à un bas de soie rouge tendu sur un genou, à une figure qu’ils empourprent, ful gurent au bord d’une manchette, puis c’est tout, ils sont ardents mais ils défaillent, près de mourir, la nuit vient.

Le soleil couchant est dans tout ce qu’a créé Rembrandt qui, plus qu’aucun, fut son maître et lui commanda. Il baigne de sa splendeur rêveuse le philosophe las ; il caresse la fuite de la Sainte Famille, jette une tristesse désespérée sur les pierreries, au front de Saül délirant. Il est dans la