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amsterdam

être comme il doit être vu, comme je l’ai vu cet inoubliable jour, dans l’étroit musée plein d’ombres. Je suis les indications compliquées que l’on a inscrites sur les murs. J’entre dans une grande salle carrée, peinte de ce ton café au lait qui tente irrésistiblement les personnes chargées de mettre les chefs-d’œuvre en valeur. — Ce même ton, pauvre, qui donne aux Rubens, dans la galerie du Louvre, l’air d’avoir passé à la lessive. — Ici, pour perfectionner les choses, on a jeté, sur la couleur lamentable, des ornements qui seraient les plus horribles du monde connu, si à Madrid n’existaient ceux de la salle Velasquez.

Le café au lait d’Amsterdam est puissant et redoutable. Il arrête tout net les rayons de diamant et d’émeraude qui s’échappent de la petite fille au coq, il aplatit la lumière de l’homme jaune, au premier plan ; il paralyse tout le tableau. Pourtant, mais c’est assez, la damnable couleur n’est sensible que dans le voisinage immédiat du cadre, car toute la pièce plonge dans l’obscurité. Des volets rabattus à demi jettent violemment la lumière sur la toile, on regarde du fond des ténèbres.

Jadis, un marchand de tableaux exposait ainsi les œuvres du pauvre Munkacsy, et peut–être s’en trouvaient–elles au mieux. Mais Rembrandt !… Ah ! Il n’a pas besoin d’un éclairage « à la Rembrandt », lui !

Concentrer une masse de lumière sur une peinture au moyen de réflecteurs, ou, comme ici, en rendant toute autre chose que lui invisible, c’est