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leyde

ment sont venus là ces admirables marbres grecs et romains, toutes ces momies, ces dieux d’Égypte. Mais enfin je ne le sais pas, et mon ignorance me fait mieux sentir encore, le contraste de cet endroit, habité par les morts séculaires, et par les dieux, avec la rue pleine de gaieté paisible, que je viens de quitter.

Parmi tant de fragments, de tombeaux, d’urnes cinéraires d’une beauté parfaite, deux morceaux de sculpture se détachent fortement, et gardent toute la mémoire.

D’abord, c’est un petit relief. Un homme emporté par un cheval en plein galop. L’impétuosité du mouvement est telle que, bien qu’il n’ait plus de tête, ce cavalier, on croit entendre son cri. Il crie qu’il est le vainqueur des jeux, l’orgueil de la Grèce ! Et tout son corps crie ! La violence de la course colle sa mince tunique à l’épaule du cheval. Il presse du talon le galop éperdu. Ils vont, l’homme et la bête, rapides, mêlés au vent. Ce petit chef−d’œuvre précipite le sang dans les veines, charge les muscles d’une énergie presque pénible, vous entraîne avec lui. On a le souffle accourci, cependant on voit, comme on voit bien ! chaque détail de la merveille, on croit entrer dans le mystère de l’art prestigieux. Et tandis que l’on regarde avec une curiosité fébrile on s’aperçoit que la tête du cheval ne participe pas à la violence inouïe de l’élan. Elle est conventionnelle, tranquille. Ce sont les jambes seules qui manifestent l’ardeur et la rapidité. Cette tête indifférente ne permet pas qu’on