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un voyage

La visite de la prison continue. « C’est la chambre qu’habitait Corneille de Witt pendant son procès », dit le gardien. Quelques meubles très simples, quelques livres, le lit où, disloqué par la torture, le pauvre homme entendit la sentence qui le bannissait du pays pour lequel il s’était si bien battu.

Les tourments n’avaient pu lui faire avouer le crime qu’il n’avait pas commis : nulle preuve que les déclarations d’un bandit ; cependant les juges, certains de son innocence, n’osèrent l’acquitter. Le peuple courait les rues en demandant sa mort, et c’étaient, ces juges, de merveilleux lâches.

Quand il sut son destin, Corneille se mit d’abord en une grande colère. Inflexible, négligent du péril actuel, il ne songeait qu’à en appeler de l’outrageante sentence, et ordonna qu’on fît venir son frère. La maison était proche — on la voit de cette fenêtre grillée…

Jean de Witt arriva aussitôt. Les voici tous les deux prisonniers de la foule qui s’amasse et vocifère autour de la geôle. Ils causent. Jean persuade Corneille de ne pas poursuivre la lutte, de partir. Partir ! Comme si on pouvait partir ! Jean essaye de s’échapper pour chercher du secours, faire débloquer la prison. Il revient. On ne sort plus, des hommes sont montés sur les toits afin de surveiller mieux toutes les issues. Les frères s’entretiennent avec calme, chacun voulant persuader l’autre que ce cauchemar va finir, qu’on va les délivrer. Corneille a lu la veille dans le petit volume d’Horace, qui est là sur une planchette. Il cite