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la haye


Et Corneille de Witt fut jeté dans cette prison, mis à la torture sur ces planches sinistres…

Malgré la sagesse, la calme et haute raison, l’habileté dont il témoigna tant de fois, la longue figure de Jean de Witt, son grand nez, la rêverie très particulière du regard, conservés par ses nombreux portraits, donnent l’impression d’un être chimérique. Et ne fut−il pas chimérique, en effet ? Il croyait qu’avec la puissance des paroles on arrête les hommes travaillés par le goût des conquêtes ; que les paroles peuvent, de l’ennemi du jour faire l’ami du lendemain ; qu’elles sont fortes, au point de rendre loyal celui auquel on montre qu’on a foi en lui. Il croyait qu’en causant à distance avec les souverains on change leurs esprits d’abord, et puis qu’on gagne du temps, et que gagner du temps c’est le grand moyen de se défendre, car c’est laisser aux forces secrètes qui tendent à l’harmonie le moyen de déplacer les questions, de modifier l’orientation des intérêts. Il croyait qu’en discutant on empêche les invasions. N’est–ce pas une curieuse ironie du sort qui a marqué pour lieu de réunion à la Conférence de la Paix, cette vile où Jean de Witt mourut pour avoir trop espéré de la puissance des paroles…