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un voyage

foules le suivaient, et de fidèles disciples. Mais quelles douleurs il portait avec lui. Il avait dit que, la joie parfaite ce n’est pas, de donner un grand exemple de sainteté ; ni de rendre la vue aux aveugles ; ni de connaître le cours des astres, ni de convertir tous les infidèles, mais bien, lorsqu’on a marché jusqu’au soir, qu’on est las, transi, affamé, d’être repoussé de l’abri qu’on espérait, insulté, brutalisé : « Et si nous acceptons avec joie ces injures et ces coups, alors, ce sera la joie parfaite ! » Hélas, à la fin de sa journée, on l’avait repoussé hors de la maison. Il acceptait, et il n’avait pas la joie parfaite mais une âpre souffrance. Pauvre saint, il se croyait dégagé de tous les esclavages, et il n’avait pas vu quels liens puissants son idée tissait autour de lui. Il l’avait trop chérie, cette idée. Il ne pouvait supporter de la voir mourir.

Il n’y a guère de drame moral plus déchirant. Peut-être, cette tristesse étrange que l’on respire avec l’air dans les paysages d’Ombrie, c’est la tristesse de saint François…

Il la porte de place en place. Partout on montre des lieux où il s’est retiré pour prier, pour souffrir. Il est malade, crache le sang, se traîne : il ne cesse de prêcher l’espoir et la paix. Et puis, seul dans ses grottes, ses cabanes de feuillages, il désespère. Ses yeux sont presque perdus, tant il a pleuré. – Il pleure de tendresse et de pitié sur la Passion du Christ. Oui. Et il pleure sur ses fils qui ont cessé de le comprendre, sur son idéal, son bonheur perdu.