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un voyage


laquelle dix fois par jour on passe distraitement… L’horrible prison !

Dans les salles de torture, le gardien met quelque emphase à expliquer le mobilier et ses usages. Il nous fait savoir de quelle sorte on rompait bras et jambes, avant de finir le condamné d’un coup sur le cœur. Et aussi comment s’administrait la « goutte d’eau » qui, en trois jours rendait fou et tuait. Il signale avec drôlerie que le cachot, destiné à la mort par la faim, était placé de manière que l’odeur des cuisines y arrivât directement. Puis : « Voici le chevalet sur lequel fut torturé Corneille de Witt », dit l’homme, qui porte au cou un beau ruban orange.

C’est cela que je suis venue chercher dans la prison, le souvenir de cette tragédie : la mort des frères de Witt.

On sait que, le stathouder Guillaume II d’Orange ayant menacé les libertés de Hollande, le stathoudérat fut, après sa mort, supprimé, et Jean de Witt nommé Grand Pensionnaire. Il avait une belle âme pure, sérieuse et très ferme ce Jean, il aimait son pays avec passion, et non moins le gouvernement qu’il avait contribué à établir, et l’œuvre qu’ensuite il avait faite. C’était son droit, car pendant vingt années qu’il dirigea les affaires, la Hollande, tirée de maint péril, fut riche, glorieuse et fière.

Mais Guillaume II laissait un fils, cet être fragile et prodigieusement énergique, ce malade infatigable d’une volonté si dure, qui fut Guillaume III,