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l’ombrie

Junipère, le comique de la sainte troupe. Junipère va visiter un malade, et le malade avoue qu’il a bien envie de manger un pied de porc. Junipère s’élance hors de la chambre. Il a vu des cochons sur sa route, il les rejoint, coupe la patte de l’un d’eux et revient tout triomphant vers son malade. Mais arrive aussi le maître du troupeau dans une affreuse rage. L’impulsif Junipère se porte bravement à sa rencontre et lui peint en traits si vifs la joie de faire plaisir à son semblable, que l’homme ému de tendresse s’en va tuer la bête estropiée et l’apporte en cadeau à Junipère. Ce drôle de Junipère comprenait fort bien les volontés profondes de saint François et s’y associait. François craignait que l’orgueil ne détruisît son œuvre, — hélas, il avait bien raison de craindre. Il voulait de l’amour, non de l’admiration ; et toutes les marques d’honneur que l’on donnait à lui et aux siens lui causaient du déplaisir. Junipère pensait comme François. Un jour qu’il arrive à Rome pour prêcher, il voit sortir de la ville une foule venue pour lui faire cortège. Junipère ne veut pas de cortège. Apercevant de petits garçons qui se balancent sur de grandes pièces de bois posées en équilibre, il leur demande la permission de prendre part à leur jeu. Et quand les dévots s’approchent pour témoigner leur déférence au saint homme, ils le trouvent à califourchon sur sa poutre, montant et descendant avec une grande joie, au milieu des rires enfantins. Les dévots saluent Junipère, il ne les entend pas : il se balance.