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un voyage

Et toute la beauté du paysage ombrien, qui détache le cœur de la terre et de ses joies fugitives, est mortellement triste.

Cette tristesse, je l’ai vue, accumulée dans un regard… C’est à Borgo San Sepulcro ; et le regard, c’est celui du Christ peint par Piero della Francesca.

L’Être divin remonte des Enfers. Il a contemplé tout le crime, toute la misère de l’homme. Il sait que crime et misère sont éternels, que la pitié, la tendresse, le pardon même ne peuvent les guérir. Et ses yeux creux sont pleins de désespoir. Le bouleversant chef-d’œuvre vous ordonne avec une force irrésistible de quitter les désirs trompeurs, de renoncer, de fuir…

Ce sublime, ce désolant regard qu’on ne peut oublier, m’a paru être l’expression même des paysages qui, eux aussi, conseillent la fuite hors du réel : l’extase, où, devant le ciel large ouvert, on oublie les luttes, les fautes, la joie brève et les longues douleurs d’ici-bas…

On trouve en Ombrie des curieux d’une autre sorte que dans le reste de l’Italie. Il y a, comme ailleurs, des gens qui voyagent sans savoir pourquoi. Mais ceux-ci passent vite. Le pays ne les « amuse » guère. Les vrais fervents s’attardent. Même, certains restent. Les uns, de cœur ému, cherchent longuement la trace de saint François,