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l’ombrie

contraient Jésus l’adorable, et Marie pleine de grâces.

Ils sont remontés au ciel, les saints. Et nous, le paysage d’Ombrie, désaffecté pour ainsi dire, nous apporte une étrange sensation de solitude et d’exil.

Le palais que construisit, à Gubbio, le duc d’Urbin, Frédéric de Montefeltre — qui avait un nez si comique, et que Piero della Francesca peignit de profil, afin qu’on ne vît pas qu’il était borgne, — une tristesse non pareille l’habite, ce palais désert et dévasté. Bien des maisons magnifiques sont comme celle-là, ruineuses et abandonnées, nulle n’affirme la vanité de l’effort humain, comme cette belle carcasse vide, dont les murs lézardés montrent toutes nues et rudes, leurs pierres, jadis peintes si finement ; comme cette pauvre maison d’orgueil et de plaisir où l’escalier s’effondre, où l’on n’entend rien.

Par les fenêtres béantes, je regarde encore la vallée immobile sous la pure lumière. À quoi bon bâtir des palais ?… La vallée, le grand ciel nous le disent : les biens de la terre sont des jouets fragiles qui tombent de nos mains et s’en vont en poussière. Frédéric de Montefeltre prit des peines pour rendre sa demeure très belle. Dans cette salle lugubre, ses musiciens chantaient mille chansons. Ou bien, pendant les repas, on lui lisait les poètes latins. Il goûtait toutes les joies fines ou violentes offertes par la vie. Son palais silencieux, croule dans le