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un voyage

amollit la figure féminine. Ici les figures restent habituellement sérieuses et le sourire a un sens précis : c’est de la gaieté, de la tendresse, non un réflexe.

Voici la Pineta. Un incendie l’a dévastée ; n’importe : elle est encore là, comme elle y a toujours été, comme elle y sera toujours.

Le silence m’accable. Lorsqu’un des grands pins, tout chauds de soleil, craque faiblement, je tressaille. Entre les troncs droits poussent des buissons couverts de graines rouges. On dirait que des bêtes en fuite ont laissé partout leur sang sur les branches.

Dante a marché là. Au centre du vent qui se gonfle, bourdonne dans les cimes épaisses, puis se tait, comme épuisé de tristesse, a-t-il saisi les rythmes de quelqu’un de ses vers ? — ses vers de fer et d’or ! —

Tout en marchant je songe à l’arbre tragique dont, arrêté une minute dans sa course au travers du deuxième cercle infernal, il casse un rameau. Soudain avec une affreuse douleur, l’arbre crie : « Pourquoi me brises-tu ? »… Tous les arbres de cette forêt fabuleuse semblent eux aussi contenir sous leurs écorces des êtres en peine.

Une rivière encaissée coupe la Pineta. Elle coule, molle, avec un air de secret. Là-bas, très loin, elle joindra la mer, au delà des longues plaines, où le sable est si blême !

On ne pourrait supporter de voir paraître une créature vivante à l’autre bord de cette eau…

Je me suis assise sur le sol sec d’où montent des