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ravenne

impulsif, qui découvre que, malgré tout, il n’est pas chez soi dans ce monde où les éléments nouveaux et les pensées anciennes cuisent ensemble et font une écume si trouble. Il se rapproche de ses compatriotes, les écoute plus docilement, les croit lorsqu’ils lui racontent les traîtrises de ses amis romains.

L’un de ces amis, Boëce, lui était particulièrement cher. Le Goth admirait la science du Latin, et goûtait fort ses panégyriques. Mais, au milieu des Barbares, Boëce gardait le sentiment d’une supériorité de race et de culture. Il traitait avec quelque dédain les seigneurs de la cour. Et puis, s’il acceptait les choses établies, il aimait le passé : la grande Rome, dont l’image se mêlait à son orgueil. Et, avec tout cela, il avait le goût de la tolérance et de la liberté. Il devait mal finir.

Les courtisans vinrent apprendre à Théodoric que Boëce conspirait. Théodoric les crut aussitôt, car il avait des idées noires, et, sans s’informer davantage, il condamna son ami. Le pauvre Boëce fut frappé de verges jusqu’à ce qu’il saignât presque à mort. Ensuite on lui serra les tempes avec une corde, de manière que ses yeux jaillirent des orbites. Après quoi, ne sachant plus trop que lui faire, à coups de hache, on en finit.

Son beau-père, Symmaque, apprenant à Rome cette affreuse histoire, se permit quelques objections. Théodoric donna ordre qu’on arrêtât Symmaque. Conduit à Ravenne, le pauvre homme fut jeté en prison et y demeura quelque temps. Mais de le sentir là, et de penser que, probablement, il