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pour y déposer près de lui Élisabeth Sirani. C’était une femme peintre de grand talent, non pas élève — elle avait trois ans lorsqu’il mourut — mais disciple posthume de Guide, qu’elle révérait comme le dieu de la peinture. Elle obtint de très grands succès. Trop grands, car ils excitèrent si bien la jalousie des peintres bolonais que ces féroces confrères la firent un beau jour empoisonner. Cette fin lamentable émut tous les cœurs. On mena grand deuil par la ville, et, pour rendre à Élisabeth l’hommage qu’entre tous elle eût souhaité, on la mit à côté du maître qu’elle admirait.

Les artistes italiens avaient à cette époque l’humeur plus violente encore qu’au xvie siècle. Ils se disputaient la gloire l’épée, et surtout le poignard à la main. Ou encore ils recouraient aux mauvaises poudres. Guide, qui n’était rien moins qu’un héros, passa son existence à fuir devant les trop dangereux confrères. Quand, sur l’ordre du pape, il allait à Rome pour y décorer des murailles, les cardinaux envoyaient leurs carrosses à sa rencontre jusqu’au Ponte Molle, afin de lui faire escorte et honneur. Cela était fort beau. Seulement les peintres ne tardaient pas à l’appeler en duel, ils menaçaient de l’assassiner, et Guide repartait en grande hâte. À Naples, c’était pire encore. On y trouvait une organisation pareille à la Mafia sicilienne. Trois peintres, Ribéra, Corenzo et Lanfranc, tenaient le pays et en défendaient l’approche. Cependant le vice-roi, s’imaginant être libre de faire ce qui lui plaisait, commanda que Guide vint exécuter des