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vérone

Si vous devenez vils de cœur, imprudents, si la discorde règne entre vous, votre puissance sera brève. Aussi, je vous commande comme votre seigneur, et vous prie comme votre tendre père, d’être obéissants à ces nobles hommes que j’ai toujours chèrement aimés et sous la tutelle de qui je vous laisse. Par-dessus tous les autres, je vous donne Messire Guiglielmo Bevilacqua, que voici, pour père, et messire Tommaso de Perigrini comme tuteur. Avant aucune chose, je vous conseille la justice, la crainte du Tout-Puissant et le soin de votre peuple, qui sera loyal si vous êtes pour lui des maîtres équitables. » Puis, Can Signorio se tut, ne pouvant parler davantage, si grande était l’abondance de ses larmes.

Après cette émouvante scène, l’agonisant fit retirer tout le monde de sa chambre, et donna l’ordre qu’on s’en allât sur l’heure poignarder son frère qu’il tenait captif dans la geôle du palais. La chose fut exécutée sans le moindre délai. Ce prince dévot et prudent, qui craignait pour ses fils les oncles ambitieux, mourut l’esprit en repos, et de façon à édifier les assistants. D’ailleurs, fidèle aux manières de la famille, l’un des enfants, si bien élevés, de Can Signorio massacra l’autre, dès qu’il eut atteint l’âge où on fait ce qu’on veut. Le peuple de Vérone en conçut une grande colère — on ne devine pas pourquoi il choisit de s’indigner cette fois, plutôt que toutes les autres, mais enfin c’est ainsi — le peuple de Vérone chassa le meurtrier en qui s’achève la dynastie della Scala.