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un voyage

Je passe mes dernières heures d’Allemagne au théâtre du Prince-Régent.

Le public n’est pas le même que j’ai connu il y a quelques années. Beaucoup plus d’indigènes, moins d’étrangers, ceux-ci Américains surtout, et point du style archi-milliardaire : les perles des colliers sont petites, les robes n’ont pas cet air de robes toutes neuves et destinées à être mises trois fois à peine, qui donne un caractère si particulier à l’élégance des grandes Américaines. Évidemment, pour ces dames que je vois, et leurs messieurs, les fêtes wagnériennes font partie du « tour » en Europe organisé à des prix raisonnables par des agences de voyages. Ils n’ont pas spécialement choisi de venir entendre cette musique ; c’est un fragment du programme comme le Vésuve et la Tour Eiffel.

En attendant que le rideau se lève, ma voisine, vieille personne à cheveux blancs, soyeux, bien coiffés, à regard tranquille, vide et satisfait, entre en conversation. Elle dit le nombre de jours qu’elle a passés à Munich, – elle a remarqué qu’il y faisait chaud, — nomme les opéras qu’elle a entendus : la tétralogie, les Maîtres Chanteurs, puis se recueille un moment et livre l’essence de sa critique : « Comme c’est curieux, n’est-ce pas, ces représentations ! Ce qui me frappe par-dessus tout, c’est qu’on y voit des femmes en robe de bal et d’autres en costume tailleur. C’est tout à fait intéressant. On ne regrette pas d’être venu ici. »

Il y a, je crois, dans la salle, bon nombre de