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munich

banquet, sans doute. Les gens entrés, la porte close on sera tranquille. Vaine espérance ! Cette fête est musicale. D’abord, une voix de femme acide et fatiguée, détaille des chansonnettes de café-concert. À la fin de chaque couplet ce sont des applaudissements — on dirait que tout un corps d’armée applaudit — des rires épais, énormes, des beuglements inhumains. Une voix d’homme, très canaille, succède à la voix de femme, — l’enthousiasme et le fracas augmentent – un duo, des fragments de dialogue, les chanteurs exécutent sans doute une sorte d’opérette, et sans doute cette opérette est si drôle, la joie qu’elle procure tellement violente qu’on ne peut l’écouter, car à chaque phrase, les rires de bœufs enragés, les vociférations recommencent et bientôt, couvrent totalement la voix des chanteurs. On n’entend plus qu’un bloc de sons confus que domine par secondes quelque hurlement plus fort. Cela dure une heure, une heure et demie, sans intervalle. À minuit certainement, la gorge déchirée, les poumons congestionnés, très malades, ils s’en iront ?… Minuit sonne. Ils ne s’en vont pas, ils crient plus fort ! Certes, aucun n’entend ce que dit son voisin, ni ce qu’il dit lui même : ils crient, ils crient ! Ils boivent aussi, j’imagine, mais comment réussissent-ils à vociférer et avaler en même temps. Peut-être, ils divisent le travail, une équipe se désaltère, tandis que l’autre, la bouche libre, est chargée de maintenir le fracas au point satisfaisant ?… — Une heure. — Les musiciens doivent être partis, il y a long-