suggéraient. L’énergie de l’impression réveille les
cellules, attaque la mémoire, ébranle l’imagination,
qui va en hâte à la recherche des analogies et, pour
justifier et accroître sa griserie, fait appel à tous
les sens. On croit goûter les tons comme un fruit
juteux, les respirer comme un arome, les manier
comme une étoffe épaisse ou glissante. Ils deviennent une fanfare dans le matin, le cri d’un oiseau.
Et très vite, ce bonheur d’éprouver si fortement les
grisantes colorations, rejoint le souvenir de toutes
les joies fournies par les matières précieuses qui
ont créé en nous la représentation des terres de
lumière.
Dans cet étroit paysage septentrional, frais et moite, à mesure que défilent les barques, des visions passent qui viennent des bouts du monde… Ces goudrons épais sur les coques ont une beauté analogue à celle des laques noirs de la Chine, raffinés et secrets : la Chine cérémonieuse où on fume l’opium des rêveries sans paroles ! Et ce vert âpre et poli, c’est l’émail des vases persans qu’il apporte à la pensée, avec mainte élégante silhouette de prince à cheveux d’encre, caracolant sur un cheval aux pieds ronds. Ce rouge, qui donne soif, et qu’on voudrait toucher, est si pareil au couvercle impondérable d’une boîte japonaise, qu’il vous emmène vers le papillon de thé, où, à la pointe du pinceau, un poète vêtu de soie, écrit des vers concentrés sur le passage des oiseaux d’automne. Et ce violet, au tablier de la femme, qui charge ses paniers de légumes sur le bateau prêt à partir, n’est pas