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ratisbonne

là, tout seul, un pot de géranium. Rien de plus affreusement triste que ce pot de géranium ! Non, rien au monde.

Je pénètre dans un endroit noir, puis dans un second beaucoup plus noir, puis dans une noirceur qu’on ne saurait comparer à aucune autre. Ce que je respire n’a quoi que ce soit de commun avec l’air. C’est une chose feutrée qui entre bizarrement dans le poumon. On ne peut pas respirer une étoffe, je le sais très bien ! Cependant, c’est exactement cela que j’éprouve : je respire du drap noir ! Ce lieu où me voici, c’est la prison !

La demoiselle qui me guide a dit : « Passez devant ». Elle arrive avec une chandelle. Et c’est pire encore ! Des arabesques effarantes sautent des murs au plafond, le drap noir s’alourdit. Et quelle épaisseur de silence ! On peut crier sans inconvénients. Les honnêtes gens qui passent dans la rue n’en seront point incommodées. On criait probablement sous ses voûtes, tandis que, là-haut, les princes habillés de velours et brodés de perles décrétaient la paix publique. Ils n’en savaient rien. Ni les amoureux qui, peut-être, les doux soirs de printemps causaient tout bas de leurs gentilles affaires, l’épaule appuyée au mur du sympathique, du gracieux hôtel de ville…

Dans la salle de torture, une sorte de fenêtre est ouverte sur un autre trou de nuit. Près de cette fenêtre, éclairé par un lumignon — qui devait ressembler à celui qu’agite la demoiselle-guide, pincée, dédaigneuse et horriblement comme il faut