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un voyage

Rien n’arrive plus de la vie extérieure. On dirait que la cathédrale est posée sur quelque rocher surplombant un abîme tumultueux : seule entre le ciel et les flots. Le silence se creuse au contraste du fracas que fait le vent. L’Église refuse d’admettre l’orage, y résiste, l’ignore. Je n’entends que le bruit de mes pas ; l’écho les prolonge si étrangement que je m’arrête, prise d’une peur mystique dont s’accroît mon exaltation. Le jour bas, et comme plaintif, traîne languissamment au centre de l’église. Ailleurs, les ombres s’accumulent. Les statues prennent un aspect équivoque. Il n’y a personne, pas un être, rien que l’ombre et les tombeaux. Mon cœur est suspendu dans l’admiration, l’attente… Et tout à coup, devant moi, une porte brutalement poussée s’ouvre. Mais il n’y a personne, c’est le vent qui a ouvert cette porte. Il entre dans l’église avec un gémissement d’une tristesse infinie, — une tristesse séculaire ! et apporte une grande brassée de feuilles sèches qui, un moment, tourbillonnent follement, puis retombent sur le sol, faisant un bruit soyeux. Un souffle les ressaisit, les tourmente, les disperse, et les laisse enfin, rassemblées en guirlande lâche sur une dalle funéraire. La porte s’est refermée avec une vibration longue. Le bloc du silence emplit de nouveau l’église. Il ne reste plus de ce court moment, que la guirlande de feuilles sèches offerte par la tempête à ce mort dont tant de pas ont effacé le nom…