Page:Bulteau - Un voyage.pdf/360

Cette page a été validée par deux contributeurs.
345
ratisbonne

eux. Ce que nous appelons leur obscurité, ne serait-ce pas leurs allusions continuelles et involontaires à ces existences ? Les Allemands ont peut-être la faculté de sortir d’eux-mêmes pour s’en aller « ailleurs », dans des régions de féerie, dont ils ne racontent rien, et qui, cependant, donnent aux moins poètes d’entre eux l’instinct vague de la poésie. Dans leurs clairs yeux bleus, je crois souvent retrouver l’expression que j’ai vue bien des fois aux longs yeux des Arabes assis à l’ombre d’un mur et qui, abstraits de la réalité, regardaient devant eux des choses impossibles à deviner. Les grandes forêts obscures rapportent-elles du passé les mêmes visions quasi-amorphes et indéfinissables que l’éblouissement de la lumière monotone ?…

Ratisbonne est un endroit singulièrement contrasté. La ville moderne mesquine et de pauvre apparence se plaque sur les fragments de l’ancienne ville pleine d’histoire. Les rues donnent l’impression d’existences resserrées. Les boutiques sont laides, les maisons étriquées. Puis, tout à coup, en marchant, on rencontre une église de style auguste, et surchargée d’ans ; une tour noire à fondations romaines, un pont sublime. Et à mesure qu’on va dans cette petite ville de province mesquine, pas trop bien tenue, on perçoit une harmonie secrète, une intention profonde. Ratisbonne a un type bien à soi, une atmosphère spéciale. Je ne pense pas