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ratisbonne

Assise contre le mur de carton gris, je médite sur l’extrême folie de voyager. On se fatigue, on s’ennuie… Ah ! on s’ennuie terriblement lorsqu’on s’y met ! Je tâche de retrouver Odin, ses loups et ses corbeaux ; tout à l’heure, dieu et animaux enchantaient ma rêverie. Mais, sous ces colonnes, Odin m’apparaît comme une sombre brute… L’inconvénient de voyager seule c’est qu’en de telles minutes on n’a personne à injurier…

Je regarde le Danube avec obstination, et puis tout à coup je ne le vois plus. Je vois une autre colline, plus molle que celle-ci, un autre ciel plus profond et plus clair, un jour d’automne bien différent, et si lointain déjà ! Au sommet de la colline, un temple blanc se dressait aussi. Ce n’est point une merveille, ce temple. Canova, qui n’avait guère plus de génie que Schwanthaler, le fit construire au dessus de Possagno afin que la petite ville où, enfant, il taillait des pierres, gardât le souvenir de sa gloire. Il commença son église une vingtaine d’années avant l’époque où le roi de Bavière commençait sa Walhalla, on n’avait pas le goût tellement meilleur en 1809 qu’en 1830. Seulement l’église italienne, construite en Italie par un Italien, accepte le doux paysage aux formes souples, se combine avec le ciel, se prolonge dans la flexion des terrains, fait partie du milieu qui est son milieu, baigne dans une lumière qui est sa lumière. Non ce n’est point un chef-d’œuvre cette église de Possagno, mais elle a des racines, elle tient à la terre. Le Parthénon bavarois est comme posé à peine. Il