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DELFT


Dans la petite maison où fut tué Guillaume le Taciturne, je pense à l’Escurial de Philippe II. C’est émouvant de rapprocher le monastère couleur d’or, enveloppé par son royal paysage, défendu par la plus altière solitude, et cette demeure modeste et grave,

posée au bord du canal, accessible à chacun.

Qu’ils se sont bien haïs, ces deux hommes ! Le catholique acharné, le protestant dont l’âme close fut si forte. Et qu’ils sont représentatifs des idées pour lesquelles farouchement ils ont lutté ! Le Taciturne voulait chasser l’Espagnol. Sans doute. Mais bien plus encore, il voulait chasser la religion de l’Espagnol. Une religion, ce n’est pas seulement une certaine manière d’adorer Dieu, c’est une certaine manière de concevoir l’idée de puissance. L’instinct de domination, et l’instinct de liberté, qui portèrent un moment les noms de Philippe II, roi d’Espagne, et de Guillaume, prince d’Orange, n’ont pas fini leurs contestations. Ils ont pris d’autres manières, ne s’appellent plus du nom d’un homme : ils durent. Et c’est pourquoi la chétive figure du protestant héroïque hante le grand Escurial couleur d’or ; pourquoi dans cette petite maison brune