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un voyage

Puis vient la sombre aventure de son frère Philippe.

En celui-ci, l’instinct des batailleurs et des pillards semble s’apaiser. On dirait que sa mère, la belle et très noble Christine de Wrangel, a introduit dans le sang de la race une relative douceur qu’en suite on retrouvera toujours. Philippe est beau à merveille, et d’un charme irrésistible. Il est spirituel encore, très moqueur, trop moqueur pour sa sûreté. Il plaît, et plaire est toute sa besogne. Il porte dans l’amour, la violence que les autres ont mise dans la guerre : comme eux, rien ne le bride. Épris du risque, insoucieux des conséquences, n’aimant que son plaisir et l’aimant à la folie. Sous ses manières d’homme de cour, il est frénétique à la Kœnigsmark, mais avec mille grâces.

Il court l’Europe, cela va de soi, et, sans doute, il fait la guerre de-ci de-là. Mais la guerre est son passe-temps, elle peut le divertir, elle ne le saoule pas. Pour cela il a l’amour. Dans toutes les capitales, il aime, joue, a tous les duels possibles. Enfin, il arrive, nécessairement, à Venise, et y retrouve le prince électoral de Saxe — ce même Auguste qui, plus tard, donnera de si remarquables fêtes à la belle Aurore.

La ville au Carnaval éternel, où on venait de toute l’Europe trouver des joies plus libres, et retrouver la joie quand on l’avait perdue, enchantait le prince de Saxe par un accueil dont on n’avait point vu d’exemple depuis le fabuleux passage d’Henri III. C’était la plus singulière folie de plai-