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un voyage

de Saxe-Lauenbourg, alla joindre Gustave-Adolphe, et se fit Suédois.

Ce Christophe-Jean est un personnage de singulière énergie, massacreur et pillard si brillant qu’au milieu des bandits formés par la guerre de Trente Ans, il se fait remarquer. On ne saurait dire à sa gloire rien de plus probant. C’est à la perfection le type des hommes, nombreux à cette époque, qui dans la candeur de leur âme croyaient que Dieu a créé le monde seulement afin qu’il y eût la guerre. Elle leur paraissait la condition normale, indispensable, et d’ailleurs le seul agrément de la vie. Ils se battaient sans savoir pourquoi, ni pour qui : pour le chaud plaisir de tuer ; parce que la vue des souffrances, des agonies, du sang, et l’odeur des cadavres corsent d’un vif élément sensuel la gaieté ; parce que le péril constant donne aux ripailles, un goût magnifique qui emporte la bouche et flambe au cerveau comme l’alcool. Ils se battaient pour la griserie de régner par la force physique, pour l’énorme saveur de l’amour qui ressemble au meurtre et s’achève en meurtre ; pour éprouver les contrastes formidables qui réveillent les sensibilités les plus torpides ; pour l’amusement de l’aventure, la liberté sans frein, pour se saouler d’horreur et de vin, pour voler. Ils avaient assez de motifs d’aimer la guerre, sans se troubler au surplus, de patrie ou de gloire. Ce n’étaient point des soldats et des chefs comme les autres, ces effroyables hommes qui firent la guerre de Trente Ans.

Et parmi eux, Christophe-Jean fut mémorable.