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un voyage

à la conspiration de Cadoudal, et on le condamne. Napoléon le hait si fort qu’il entre en rage lorsqu’il apprend que la tête de Moreau est sauve. Moreau serait demeuré patriote si les triomphes de Napoléon n’eussent barré la route à ses ambitions et empoisonné son esprit, si sa femme n’eût jalousé les robes de Joséphine, si…, si…

Le pouvoir de trahir ne naît pas d’une circonstance ou de mille. On l’a dans le cœur, il dort, attendant sa minute. On ne devient pas traître : on l’est !

L’amour enragé du pouvoir, on le trouve partout chez cet homme ; mais l’amour de son pays ?…

Lorsqu’il apprend nos désastres en Russie, il se hâte de revenir d’Amérique. La pitié passionnée, une colère française le ramènent-elles ? Non ! Il sait que les soldats fait prisonniers pendant l’atroce retraite sont hostiles à Napoléon ! Il va demander à l’empereur de Russie la permission de se mettre à leur tête pour envahir la France, faire s’entre-tuer des Français, renverser Napoléon, — prendre sa place sans doute ! On refuse, et alors, lui, il accepte d’enseigner aux princes coalisés de quelle sorte on s’y prend pour battre les armées de France.

Ce Napoléon qu’il abhorre, dont il se croit le supérieur, il lui a rendu un suprême hommage. Si on eût écouté ses conseils, la bataille de Dresde était livrée deux jours plus tôt : Napoléon n’était pas là !… Et Moreau avait hâte. Mais on ne le croit pas. On veut attendre les troupes autrichiennes du général Klenau. Alors : c’est la bataille de Dresde,