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un voyage

On ne se lasserait jamais de tourner sur la belle place où sont : l’église de la Cour, le palais, l’Opéra, le musée. Indéfiniment on y resterait, si un large et magnifique escalier ne vous tentait vers la terrasse qui domine le fleuve. Là, aboutissaient jadis les jardins de ce palais immense, fait de beaucoup de palais et construit pour le comte de Brühl. — On rencontre le souvenir de cet homme à chaque seconde ! — Pauvre palais rempli de merveilles, il fut, pendant la guerre de Sept Ans, dévasté avec un soin tout spécial, par les ordres de Frédéric ii qui n’aimait pas les collectionneurs : ce collectionneur-là, du moins. Pour la terrasse, elle est livrée au public depuis le commencement du siècle dernier, je crois. Et le public profite de l’aubaine avec un goût visible. Sur cette terrasse, on trouve de nombreux bancs d’où, bien à l’aise, on peut regarder l’Elbe, les coteaux, les ponts, le large ciel, un paysage de la plus grande beauté, du plus noble dessin, et si calme ! Ces bancs sont toujours occupés, quelle que soit l’heure. On piétine, on s’accoude à la balustrade, on feint de s’en aller, on revient, on espère que l’un des occupants va céder son tour, renoncer, rentrer chez soi, aller à ses affaires : vain espoir ! L’amateur de la terrasse n’a pas d’affaires. Et, tout en piétinant, on arrive à se représenter avec exactitude les impressions des pauvres âmes arrêtées en purgatoire. Être assis sur la terrasse de Brühl, ce serait le ciel. Seulement on ne parvient pas à s’y asseoir.

Cela vaut mieux du reste. Peut-être, comme on