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et sont tout en or sur un ciel pur, lavé, extraordinairement lointain. Une langue de terre s’avance dans l’eau, portant des arbres de grande forêt qui, sous leurs branches mêlées, entrecroisées, retiennent une obscurité verte. Au delà, un trait vif atteint une très vieille façade, l’enduit de jaune et de rouge, en fait un bibelot de pierreries. Des maisons ouvragées, repercées, surgissent en des tournants, pareilles à ces beaux encensoirs gothiques dont l’argent terni, a par place des scintillements bleus et roses. Une arche immense avale le bateau, on glisse dans la noirceur, écrasé sous cette épaisse obscurité. Devant soi la lueur du ciel et les reflets de l’eau, font un clair cercle de cristal.

Les jeux du soleil se ralentissent. Il ne touche plus qu’avec mollesse le sommet des anciennes demeures. Tout s’amortit. Des fenêtres flambent d’un dernier éclat, puis s’éteignent. Au vernis d’ambre une couleur indéfinissable, sinistre succède. Des tourelles, des pignons, passent. Et des façades séculaires qui peu à peu se refusent, deviennent hostiles. Un froid tombe. Étrange froid, actif comme un être et qui serre le cœur. Maintenant, la lumière a déserté la terre, elle s’accumule dans le ciel et vibre. En bas, les ombres que font les maisons construites par les hommes, deviennent si lourdes… Elles rendent la ville au passé, ces ombres ! Autour de soi on sent d’indistinctes présences. Ces demeures n’ont plus le même visage. Qu’y a-t-il derrière les murs ? Des morts abandonnés dans le noir ? De terribles morts qui vont revivre ? On