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potsdam

guère celle d’un philosophe — si toutefois elle le fut jamais.

On tourne autour du château. Une colonnade blanche s’arrondit et donne un aspect clos à tout le décor. Le bâtiment pose bien sur le sol, cela est calme et noble. En vérité, ce lieu semble fait pour qu’on y vive de contemplation sereine, détaché des vains mouvements ambitieux, le cœur tout habité par une paix profonde…

Dans le vestibule : dorures, colonnades, statues — l’une c’est, paraît-il, la Volupté ; pourquoi pas ? — tout a bonne apparence et quelque banalité. La salle des soupers illustres donne une impression de tristesse aride. On a dit là des choses merveilleuses. Les causeries duraient tard au point que, de rester debout si longtemps, les domestiques prenaient de l’enflure aux jambes. On s’amusait… Cependant, parmi les convives du roi, ceux qui obtinrent permission de le quitter ne revinrent pas, et nul, semble-t-il, ne garda aux soupers de Potsdam le souvenir nostalgique et tendre qu’un peu de bonheur laisse après soi. On s’amusait, mais on se haïssait dans ces fêtes de l’esprit, et on n’y était pas heureux. Ce n’est pas pour qu’on fût heureux que le maître débouchait son champagne et dégainait son sarcasme.

La chambre du roi est de grand aspect avec son alcôve pompeuse, où d’ailleurs il ne couchait pas, mais sur un lit de camp et avec ses levrettes. Car il aimait tendrement les chiens : cela arrive parfois à ceux qui n’aiment pas les hommes.