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potsdam

une minute l’armée prussienne, ce n’est pas au château de Potsdam qu’il faut venir.

Il m’intéresse faiblement ce château, je l’avoue, j’ai trop d’impatience de voir Sans-Souci. Le Sans-Souci de Frédéric — et de Voltaire.

Je me hâte de déjeuner sur la terrasse d’un restaurant où pour occuper les intervalles qui séparent le vieux homard moisi de la vieille viande desséchée, je jette du pain aux moineaux. Voyant cela le Herr Ober Kellner — traduisez « M. le Sur-Garçon » — donne un ordre bref. Aussitôt, deux de ses inférieurs s’approchent. L’un à coups de serviette chasse et poursuit les oiseaux jusqu’au bout de la terrasse, l’autre balaye les mies de pain avec l’air le plus offensé du monde.

Ai-je tort de trouver à cet épisode un caractère résolument prussien ? Comme on peut croire, jusqu’au moment où une crème infâme achève mon infâme déjeuner, je continue de jeter du pain aux moineaux, et eux, bêtes sans principes ni discipline, reviennent le prendre. Cependant le respect humain est si fort dans la faible âme humaine qu’au départ, je donne malgré tout un pourboire à M. le Sur-Garçon. Mais, je le sens bien, au lit de mort je regretterai ce pourboire-là.

Quelques minutes de tramway conduisent presque au bord de la longue allée qui monte à Sans-Souci. Dans cette allée il n’y a qu’une vieille dame, de