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berlin

et à jamais stigmatisés, teints ternes de l’anémie profonde, nez courts et grosses lèvres de scrofuleux, visages dont les traits ont je ne sais quelle mystérieuse immobilité, — pauvres visages où s’inscrivent les grandes tares nerveuses des ascendants, les signes de l’hérédité épileptique… Ils passent, d’autres leur succèdent, il y en a toujours… Cette foule du dimanche c’est le plus effarant cauchemar…

Un Français qui habite Berlin, m’a dit qu’à l’Opéra, les soirs de grandes représentations, rien n’est d’une grâce si charmante que les loges de second étage, réservées aux filles des dignitaires de la cour. On voit là, en abondance, paraît-il, les plus ravissantes figures, des chevelures de soie et d’or, des teints à éblouir, des tailles élégantes, enfin les formes diverses de la parfaite beauté. Je le crois, Ce n’est pas l’aristocratie berlinoise que je rencontre au Jardin Zoologique, je le sais bien. Ce n’est pas le peuple non plus. À quelle classe de la société appartiennent ces promeneurs ? Je n’en ai pas la moindre idée. Peut-être ne sont-ils pas des Prussiens, mais des Croates, des Tartares, des Polonais, des Belges venus là par hasard, et auxquels les vrais Berlinois, tous partis pour la campagne, ont ce jour-là livré leur beau jardin. C’est possible, je n’en sais rien. Mais je sais comment était cette foule….

Il s’y trouvait de somptueux personnages vêtus avec un luxe réel et d’autres endimanchés seulement, certains tenaient plus de place, parlaient plus haut, tous avaient en commun le désir d’être