Page:Bulteau - Un voyage.pdf/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
berlin

Je marche sous les Tilleuls grillés. C’est l’ordinaire que dans les villes, à cette époque, les feuilles soient ainsi moribondes, mangées de poussière. Pourquoi celles-ci me persuadent-elles que je suis seule au monde ?… C’est que, ce matin, j’ai vu ailleurs des arbres lourds de verdures vivantes, orgueilleux et confiants, comme si le bonheur d’été durait toujours.

Quittant les Tilleuls, je traverse la place de Paris et je regarde la porte de Brandebourg, – si obstinément grecque ! L’architecture grecque transportée, avec quelques petites accommodations, dans les climats du Nord m’a toujours paru faite pour inspirer le dégoût de tous les espoirs, et de tous les enthousiasmes. Quant à moi, rien ne m’incline si fort vers la délectation morose. La Madeleine, on l’avouera, produit un spleen abondant. Et pour les Propylées berlinoises, mon Dieu ! elles n’inspirent pas tant de joie païenne qu’on pourrait le croire.

Me voici dans le Thiergarten. Quelles admirables pelouses ! Mainte défense matérielle et morale les protège. Aucun gamin ne songerait à y poursuivre le ballon égaré — les ballons des petits Prussiens ne s’égarent pas, je suppose ? — D’ailleurs la discipline qui maintient la jeunesse dans son devoir n’est pas particulière à la Prusse. Sur un banc de Weimar j’ai lu cette remarquable inscription : Banc réservé aux seuls adultes. Les mioches fatigués sont requis de s’asseoir par terre. Mesures saines et excellentes. Multipliées et observées, elles forment